Mission solidaire en Palestine pour trois adhérents de l'Afps du Pays de Morlaix (1)



Nous étions déjà partis quand Le Télégramme a rendu compte de notre projet de voyage dans son édition du 28 septembre 2018... Et c'est bien par une visite de trois jours dans le camp de réfugiés de Jalazone dans lequel notre groupe local AFPS soutient un projet solidaire que nous avons commencé notre séjour en Palestine occupée... Quelle joie de retrouver nos amis, Mousa, Youssef, qui étaient venus à Morlaix l'an dernier, les responsables du camp toujours aussi mobilisés pour leur communauté et de faire connaissance avec Fazé, le Kiné du Centre Al Karama pour la réinsertion des personnes handicapées que nous essayons d'aider au mieux, en fonction de nos moyens...


RETOUR AU CAMP DE REFUGIES DE JALAZONE

 

Le camp de réfugiés de Jalazone fut établi en 1949 sur une surface d'à peine 1 km2. Il est situé à 7 km au nord de Ramallah et en contrebas de la route vers Naplouse. Construit sur une colline dominant le proche village de Jiffna, le camp de Jalazone fait face à la colonie israélienne de Beit El, située en hauteur de l’autre côté de la route de Naplouse protégée par une installation militaire. Une cohabitation pour le moins problématique pour les habitant-e-s du camp qui au fil du temps est devenu un terrain d’exercice in vivo pour les soldats de l'armée d'occupation… 

 

Les habitants de Jalazone sont originaires de 36 villages, principalement des environs de Lydda (Lod) situé sur l’actuel territoire israélien et des régions centrales de la Palestine, dont ils ont été chassés en 1948. Comme les autres camps de Cisjordanie, Jalazone est construit sur des terres louées pour 99 ans par l’UNRWA, ici au gouvernement jordanien. L’UNRWA est l’agence des Nations Unies dédiée aux réfugiés palestiniens. La population de Jalazone est d’environ 16 000 personnes, dont la moitié ont 20 ans ou moins, et elle croît régulièrement.

Le camp a donc une population dense, jeune, sur un territoire strictement délimité par des possibilités d’extension quasi-inexistantes. Donc, ici comme dans les autres camps, l’extension se fait en hauteur, par adjonction de nouveaux étages, les ruelles entre les bâtiments sont extrêmement étroites, l’air et la lumière entrent difficilement dans les habitations, avec tous les problèmes que cela peut engendrer et des répercussions sur la santé notamment des personnes âgées sortant peu ou pas de leurs maisons...

Le fonctionnement du camp

Même s’il ressemble à une ville, du point de vue juridique, le camp n’en est pas vraiment une. Installé par l’UNWRA, il dépend financièrement de cette organisation et non d’une mairie pour tous les services tels que la voirie, l’éducation, la santé, le traitement des ordures ménagères.

Deux écoles et le centre de santé dépendent également de l’UNWRA. Pour le reste, les habitants doivent compter sur d’autres aides : dons individuels de la communauté du camp, partenariats extérieurs avec des États, des municipalités, des ONG, des associations de solidarité …
L’implication collective des habitants se fait à travers le Comité Populaire du camp et par des associations qui interviennent dans différents domaines. Le comité populaire est composé de 15 personnes, 13 hommes et 2 femmes, issues des différentes associations et des partis politiques du Mouvement National Palestinien. Il est divisé en plusieurs départements correspondant aux différents domaines d’intervention.

Outre le Comité Populaire, la vie du camp s’organise autour de plusieurs associations :

      Association pour la réhabilitation des personnes handicapées*

      Protection civile

      Associations de femmes

      Centre d’accueil pour les enfants et les jeunes

      Association d’aide aux personnes âgées...**

 

L’occupation israélienne

En 1977, la colonie israélienne de Beit El, accompagnée d’une installation militaire, ont été installées sur 157 hectares, situés en hauteur. Une des rares colonies à avoir bénéficié de larges subsides privés américains, canalisés par une association présidée par David Friedman, l’avocat d’affaires new-yorkais que Donald Trump a nommé ambassadeur des USA en Israël. Donald Trump, lui même, ainsi que les parents de son gendre, Jared Kushner, comptent parmi ses bienfaiteurs habituels... 

 

C’est la raison pour laquelle le camp de Jalazone a été rattaché à la zone C, sous autorité israélienne complèteAu-delà de conditions de vie souvent difficiles, les habitants de Jalazone doivent subir les effets de l’occupation israélienne. De façon régulière, ils sont la cible de provocations des colons voisins ou des militaires israéliens. Ainsi, ils sont régulièrement visés par des tirs de gaz lacrymogène envoyés depuis la proche colonie. Les incursions de l'armée israélienne sont fréquentes dans le camp et les brimades permanentes (barrages routiers, contrôles, arrestations, interdiction de se déplacer etc...).

Il arrive aussi fréquemment que des soldats s’approchent de l’école située à l’une des entrées du camp à la fin des horaires scolaires sans aucune autre motivation que d’imposer leur présence. Bien évidemment, les gamins réagissent régulièrement par des jets de pierres, souvent au péril de leur intégrité physique, voire de leur vie. 

Parmi les personnes que nous rencontrons, très nombreux sont ceux à avoir fait plusieurs années de prison et/ou à avoir perdu un ou plusieurs proches. Dans les deux dernières décennies, le camp a compté une trentaine de « martyrs », des centaines de blessés et de très nombreux prisonniers et détenus. À tous les coins du camp se succèdent plaques, photos et graffs commémorant les victimes, généralement jeunes.

** Le camp de Jalazone fait l'objet de deux projets solidaires en Finistère. L'un est mené par l'AFPS du Pays de Morlaix auprès des personnes handicapées (voir ci-dessous) et l'autre est mené par nos ami-es du groupe AFPS de Brest qui ont lancé en 2012 un projet de partenariat avec l'association « Palestinian Aged Friends Charitable Society », qui vient en aide aux personnes âgées du camp de réfugiés de Jalazone...



VISITE AU CENTRE DE REHABILITATION 

POUR LES PERSONNES HANDICAPEES

AL- KARAMA

 

Le soutien aux personnes handicapées

L'AFPS du Pays de Morlaix soutient depuis 2016 l’Association pour la réhabilitation des personnes handicapées, qui fait fonctionner le Centre Al Karama dans le camp de Jalazone. Le centre apporte son aide à environ 400 personnes, victimes directes ou indirectes de la vie sous occupation israélienne, confrontées en permanence à la présence des soldats et des colons.

 

Le but de cette structure est l’intégration sociale des personnes en situation de handicap. Elle offre une prise en charge pluridisciplinaire et assez globale en fonction des besoins recensés. Cela concerne aussi bien les aides paramédicales (rééducation physique, orthophonie, ergothérapie, fourniture de prothèses et autres appareils de rééducation) que le soutien éducatif et social (réhabilitation et aménagement de logements, aide et écoute envers les familles, activités éducatives, enseignement, loisirs...).

 

Une trentaine de familles sont accompagnées de manière permanente par le centre et bien que la demande soit croissante, il manque de moyens et d’espace pour pouvoir prendre en charge plus de monde. La liste d'attente reste trop longue pour Husam ALAEAN, le directeur du Centre Al Karama. Son objectif est d'augmenter le temps de travail des soignant-es, tout en améliorant leur formation. Avoir plus d'appareils de rééducation et surtout terminer l'installation d'un jardin en étage qui pourrait accueillir les familles et les enfants pris en charge pour leur offrir un espace apaisant où ils puissent souffler un peu de la vie trépidante du camp.

 

L’équipe du centre Al Kamara est composée de 6 professionnels spécialisés, aidés par des volontaires bénévoles (3 ou 4 à la fois), souvent des étudiants stagiaires. Les professionnels ne sont malheureusement pas assez rémunérés. Ils acceptent un salaire moindre pour permettre au centre de poursuivre ses activités malgré un budget insuffisant. Par exemple, un psychologue qui pourrait gagner 1000 dollars en libéral est payé environ 300 à 400 dollars par le centre. Le financement du centre est assuré par la communauté locale, avec le soutien des associations gouvernementales palestiniennes ou non gouvernementales (ONG) et quelques dotations d’entreprises privées. Et depuis 2016, un peu par l'AFPS du Pays de Morlaix (6000 € versés en 2 ans). 


Mais, le constat est là, la situation globale du camp ne s'est pas améliorée depuis notre première visite, il y a deux ans. Les besoins de la population de Jalazone sont exponentiels et du coup, les besoins financiers pour les satisfaire aussi... D'autant plus que la suppression des financements américains à l'UNRWA, commencent à avoir de néfastes conséquences. Ainsi, le centre a dû mettre fin au contrat d'une psychologue, faute de moyens suffisants.

 

Nous avons passé pratiquement une journée complète avec l'équipe du Centre Al Kamara, notamment avec Fazé SAWALHA, kiné francophone qui nous a servi de guide et d'interprète. Sa grande fierté a été de nous faire visiter la nouvelle salle de rééducation sensorielle à l'équipement ultramoderne qui ferait bien des jaloux dans nombre d'institutions françaises. Autre motif de satisfaction la mise en route d'un ascenseur (le premier dans tout le camp) qui devrait permettre d'accéder au 3ème étage du centre qui devrait accueillir d'ici 2019 le vaste jardin d'enfants avec pelouse synthétique. Lors de notre visite, nous avons pu constater que le centre est aussi un lieu d’échange avec les élèves de l’école primaire du camp qui viennent partager certaines activités artistiques et culturelles avec les personnes handicapées.

Ce qui est prégnant, quand nous quittons les ami-es du centre c’est le sentiment que quelle que soit l’évolution de la situation en Palestine et dans le camp, rien ni personne ne pourra les empêcher de poursuivre leur travail et leur engagement au service de la communauté du camp de Jalazone.

 
En constatant le travail effectué en deux années et en échangeant avec Husam et Fazé sur les projets et la vitalité de l'équipe du centre, nous sommes rapidement convaincus de la nécessité de poursuivre notre coopération solidaire. Reste que la bonne volonté ne suffira pas et que pour les aider à travailler le mieux possible, il va nous falloir réfléchir aux moyens à mettre en œuvre en Pays de Morlaix pour pérenniser ce soutien...

 

(A ce sujet vous pouvez cliquer sur la rubrique connaitre & soutenir notre projet solidaire avec le camp de réfugiés de Jalazone...)

 

À suivre...