C'est par un message de Michel Warschawski, sur les réseaux sociaux que nous avons appris la disparition de URI AVNERY. En dépit de trajectoires personnelles et politiques différentes, ces deux figures du mouvement pacifiste israélien, ont en commun de s'être opposés ensemble à la politique coloniale et belliciste du gouvernement israélien. Partisan du dialogue avec les palestiniens et donc avec leurs représentants, Uri Avnery a été durement attaqué dans les années 1980 pour avoir rencontré et interviewé Yasser Arafat. Il est décédé dans la nuit dans la nuit du 19 au 20 août à Tel-Aviv. Il avait 95 ans.
URI AVNERY : 1923-2018
le message de Michel Warschawski
Père du journalisme israélien, homme politique, militant… et ami.
A l’âge de 95 ans, notre ami Uri Avneri est décédé cette nuit à Tel Aviv. Il y a encore une dizaine de jours il publiait un article dans le quotidien Haaretz contre la Loi sur la Nation, excellent comme toujours.
Uri n’était pas seulement le meilleur journaliste qu’Israël ait connu, mais le père fondateur du journalisme israelien, en particulier le journalisme d’investigation. Avant lui, le journalisme était synonyme de propagande, de soutien inconditionnel au consensus défini par le pouvoir, et de porte-voix des différents partis politiques. L’hebdomadaire « Haolam Haze » va oser dire ce que tout le monde cachait, et dévoilera les grandes affaires que la censure – omnipotente à cette époque – essayait de cacher. Face à celle-ci, Uri avait trouvé une parade : raconter la réalité sous forme de contes, où il suffisait de trouver la clef pour apprendre ce qu'on essayait de nous cacher. C’est ainsi que grâce à Haolam Haze, on a pu apprendre le massacre de Kafr Qassem ou l’arrestation d’un réseau du Mossad qui avait tenté de faire tomber Gamal Abdel Nasser (le nom donne par Avneri à cette affaire, « la Sale Affaire », est aujourd’hui le nom utilisé dans tous les livres d’histoire…).
Tous les politiciens, mais aussi toute la jeunesse urbaine, lisaient Haolam, Haze, souvent en cachette car il symbolisait l’opposition au pouvoir absolu des Travaillistes. On disait que, le mercredi, jour de la sortie de Haolam Haza, Ben Gurion se précipitait pour le parcourir, mais refusait systématiquement de le nommer, se contentant de l’appeler « Cet hebdomadaire ».
Personne n’a jamais connu aussi bien qu’Uri la politique israélienne, ses acteurs… et ses secrets. Tous les bons journalistes israéliens des années soixante-dix et quatre-vingt ont fait leurs classes dans Haolam Haze, dont le logo était « Sans peur, sans partialité ».
Imprégné de culture allemande (il a fui l’Allemagne avec sa famille quand Hitler est arrivé au pouvoir), il était l'un des rares Israéliens de sa génération a bien connaitre le monde, et en particulier le monde arabe. C’est ce qui faisait toute la richesse de son éditorial hebdomadaire « A propos ».
C’est aussi ce qui explique sa compréhension relativement rapide de l’íncontournabilité de l’OLP. Relativement, car contrairement à ce qu’il écrit dans sa biographie, pendant plusieurs années il n’a pas maché ses mots contre l’extrême gauche anti-sioniste (Matspen) qui soutenait la résistance palestinienne, alors qu’Uri était encore dans l’euphorie nationaliste post-1967 (en Juin 1967, la une de Haolam Haze appelle à conquérir Damas et, comme député, il vote l’annexion de Jérusalem Est…).
Il se rattrape vite, et Uri sera le premier Israélien à rencontrer Yasser Arafat dans Beyrouth assiégée, avec la photographe Anat Saragusti.
C’est à l’époque des accords d’Oslo que nous avons commencé à collaborer politiquement, et petit a petit à devenir amis, pour autant qu’Uri était capable d’exprimer ses sentiments : ensemble nous avons participé à la création du Bloc de la Paix (Gush Shalom) pour palier à la démission de la Paix Maintenant qui, naivement, pensait qu’avec la signature des accords d’Oslo la paix entre Israël et les Palestiniens était devenue réalité. Les rapports entre Uri, et surtout Rachel, et moi se sont fortement renforcés dans le cadre des nombreuses conférences en Europe ou nous étions invités a intervenir (...)
COMMUNIQUE DE PRESSE DE L'AFPS
Uri Avnery, pionnier de la lutte anticoloniale en Israël, nous a quittés
Uri Avnery vient de nous quitter mais il restera dans l’histoire comme un des pionniers en Israël qui ont tracé la voie vers une paix véritable, une paix fondée sur la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien.
Dans son enfance juive en Allemagne, il avait été marqué par la montée du nazisme et de l’antisémitisme. Sa famille ayant émigré en Palestine, il s’engage dans un des groupes sionistes les plus extrêmes, l’Irgoun, mais il le quittera bien vite. Son expérience militaire lui fera prendre conscience de l’existence du peuple palestinien, et il en sortira convaincu qu’il n’y aura pas de paix sans que ce dernier se voie reconnaître ses droits.
Toute sa vie ensuite, il n’aura de cesse de se battre pour que le peuple palestinien ait son propre État, combat qu’il mènera en tant que journaliste mais aussi en tant qu’homme politique, puisqu’il avait été élu à la Knesset en 1969.
A une époque où il était interdit en Israël d’entrer en contact avec l’OLP, il brave courageusement cette mesure en rencontrant un émissaire de Arafat en 1974. Depuis, il rencontrera ce dernier à plusieurs reprises, notamment en 1982 en pleine guerre du Liban, où il ira l’interviewer dans Beyrouth assiégée. En 1994, il fondera l’organisation anticolonialiste Gush Shalom, qui plaidera en particulier pour le droit au retour des réfugiés palestiniens.
Dans une société israélienne à la dérive avec un gouvernement d’extrême-droite qui l’emmène vers des jours bien sombres, l’optimisme indestructible d’Uri Avnery manquera beaucoup.
L’AFPS salue cet homme qui a montré le chemin vers une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, et adresse ses condoléances à sa famille.
Le Bureau national
21 août 2018
REVUE DE PRESSE
suite à la disparition
d'Uri Avnery
https://www.humanite.fr/disparition-uri-avnery-pionnier-du-pacifisme-israelien-659449
Juin 2018 : l'une des dernières chroniques d'URI AVNERY sur Gaza publiée sur le site de l'AFPS