Organisé par l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) sous le patronage de Mme Esther Benbassa, sénatrice EELV de Paris, le colloque « Israël-Palestine : a-t-on le droit de contester la politique israélienne ? » a eu lieu le 12 février au Palais du Luxembourg.
Ce colloque a réuni de nombreux intervenants de l’international tels que Rebecca Vilkomerson, directrice exécutive de l’organisation américaine Jewish Voice for Peace (Voix juive pour la paix), Hugh Lanning, président de Palestine Solidarity Campaign (Royaume Uni), Shawan Jabarin, directeur de l’association palestinienne de défense des droits de l’homme Al-Haq, et Lea Tsemel, avocate israélienne et défenseur des droits de l’Homme. Ils ont témoigné du développement de la solidarité avec la Palestine dans le monde, de l’importance de la campagne BDS, de l’ampleur de l’offensive de l’Etat d’Israël, partout dans le monde, contre les organisations qui s’opposent à sa politique.
Lors des tables rondes auxquelles ont participé journalistes, historiens, élus et responsables associatifs, le droit de contester la politique israélienne a été discuté sous divers angles : les amalgames qui minent le débat démocratique, le contexte particulier du débat en France, comment résister aux pressions.
En clôture de ce colloque a été lancée une initiative pour les acteurs du débat public, médiatique et politique en France : « 6 principes pour une expression libre et démocratique sur la question israélo-palestinienne » avec ses 60 premiers signataires. Cette initiative est destinée à se développer dans les prochains mois.
Dans une tribune publiée le 9 février dans Mediapart, Pascal Boniface, Rony Brauman, Ivar Ekeland, Bertrand Heilbronn, Christiane Hessel, Renée Le Mignot et Dominique Vidal annonçaient déjà ce lancement en citant les attaques auxquelles sont exposées les personnes souhaitant critiquer la politique israélienne en France : « insultes, intimidation, pressions, amalgames, délégitimation, accusations infâmantes d’antisémitisme. Qui va prendre ce risque, avec une carrière politique ou journalistique à construire ? »
Rebecca Vilkomerson de Jewish Voice for Peace rejette les amalgames : « Être antisioniste ou non-sioniste ne vous rend pas antisémite. L’hypothèse contraire ignore l’histoire, y compris une longue histoire juive d’opposition au sionisme, et ignore la réalité de la façon dont le sionisme est vécu par ses victimes. Cela ne nie en aucun cas la gravité de l’antisémitisme que de traiter de manière aussi sérieuse la dépossession des Palestiniens par Israël. »
Hugh Lanning, président de Palestine Solidarity Campaign, a été parmi les premières personnes à être interdit d’entrer en Israël en vertu de la « loi anti-BDS » en mars 2017. « Interdire les critiques et les partisans du Boycott, du Désinvestissement et des Sanctions ne fera pas taire l’opposition, mais exposera plutôt les fausses déclarations de démocratie d’Israël. Nous continuerons à défier les actes inhumains d’Israël et à résister à ceux qui cherchent à nous faire taire », déclare-t-il.
L’AFPS, qui figure dans la « liste noire » israélienne d’ONG « indésirables » publiée le 7 janvier, a récemment appris la fermeture de son compte PayPal « en raison de la nature de ses activités ».
Selon son président, Bertrand Heilbronn, face aux attaques « ouvertement orchestrées par le gouvernement israélien et ses relais inconditionnels en France, il est grand temps de résister tous ensemble aux intimidations, et de reprendre la parole. Le Chef de l’État et le gouvernement français doivent nous soutenir dans cette démarche, en refusant les dérives communautaires, ainsi que les interventions d’États tiers dans le débat public de notre pays. »
Les signataires des « 6 Principes » déclarent : « Nous, intellectuels, journalistes, militants associatifs, élus et responsables politiques, avons des points de vue divers sur la question israélo-palestinienne et les moyens de la résoudre. Nous nous rejoignons sur l’importance d’une expression libre et démocratique sur cette question, et nous réaffirmons notre engagement à en défendre les conditions d’exercice. »
Pourquoi les six principes ?
Alors que la question israélo-palestinienne reste centrale pour l’avenir de la paix au Moyen-Orient et suscite un écho légitime dans la population en France, la liberté de débattre démocratiquement de la situation reste mise à mal par de multiples pressions, amalgames, tentatives d’intimidation, et dans certains cas par des pressions organisées par l’État d’Israël lui-même (comme la publication d’une liste d’organisations "indésirables"). La sortie de deux livres sur ce sujet au cours du seul mois de janvier témoigne de l’actualité de la question.
C’est dans ce contexte que nous, intellectuels, militants associatifs, élus... lançons l’initiative : "Six principes pour une expression libre et démocratique sur la question israélo-palestinienne".
Cette initiative n’est pas portée par une organisation, mais par ses premiers signataires eux-mêmes. Elle a été lancée par ses premiers signataires le 12 février en conclusion du colloque organisé le 12 février au Palais du Luxembourg, sur le thème "Israël-Palestine : a-t-on le droit de contester la politique israélienne". Après son lancement, le texte est ouvert publiquement, à la signature d’autres personnalités et à l’ensemble de nos concitoyens.
Six principes pour une expression libre et démocratique sur la question israélo-palestinienne
Pour les acteurs du débat public, médiatique et politique en France.
Le droit de s’exprimer
Nous affirmons, pour nous-mêmes et nos concitoyens, le droit de nous exprimer sur la question israélo-palestinienne en France, et récusons d’avance toute pression, amalgame, intimidation qui chercherait à nous en empêcher.
La condamnation du racisme sous toutes ses formes
Dans ce débat comme dans tous les autres, nous condamnons les discours stigmatisant des personnes ou groupes de personnes sur la base d’une origine ou d’une religion : cela vaut pour l’antisémitisme, le racisme anti-arabe, la judéophobie ou l’islamophobie.
Le refus des amalgames
Les analyses et points de vue que nous exprimons sur la politique de l’État d’Israël, sur les idéologies qui l’accompagnent et sur les enjeux qui en dépendent, font partie du libre débat démocratique. L’assimilation de certains de ces points de vue à des formes d’antisémitisme est un amalgame dangereux, diffamant, qui mine les fondements de la lutte contre l’antisémitisme et les autres formes de racisme en France.
Il est de la responsabilité de tout acteur du débat public, médiatique ou politique de ne pas reproduire, promouvoir ou diffuser des amalgames et de la confusion dans ces domaines, au risque de désinformer l’opinion et d’attiser la peur, la haine et la violence.
La résistance aux pressions et aux intimidations
Aucune personne, ni aucun groupe public, n’est légitime pour s’opposer à la liberté d’expression, ou la délégitimer, en revendiquant des intérêts communautaires. Il en est de même des pressions qui pourraient être menées par des Etats tiers dans le débat français. Les limites à la liberté d’expression sont définies par la loi et encadrées par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui protège cette liberté.
La défense des moyens pacifiques d’agir
Nous pouvons avoir des avis différents sur la pertinence de l’appel au boycott citoyen, au désinvestissement des entreprises ou aux sanctions mises en œuvre par les États, et cela fait partie du libre débat démocratique. Mais nous nous rejoignons pour estimer que le droit d’appeler à ces moyens d’action doit être protégé, en tant que composante de la liberté d’expression et en tant que moyens pacifiques d’agir vis-à-vis de la politique d’un État.
Le développement d’un débat libre et démocratique
C’est sur ces bases que nous souhaitons que le débat sur la question israélo-palestinienne se développe en France. Dans une vigilance absolue vis-à-vis de toute dérive à caractère raciste. Un débat que nous souhaitons voir se libérer des réflexes communautaires. Un débat qui pourra être vigoureux, comme tout débat démocratique sur une question importante, mais qui devra être exempt de toute pression, intimidation, amalgame ou attaque personnelle.
En tant que signataires de ces principes, nous y veillerons.
VOUS AUSSI VOUS POUVEZ DEFENDRE CES "6 PRINCIPES" ET AINSI PRESERVER UN DROIT INALIENABLE : CELUI DE LA LIBERTE D'EXPRESSION, LE DROIT DE PENSER ET DE DIRE CE QUE NOUS VOULONS !
Pour signer et voir tous les signataires suivre ce lien :