PROPOS RECUEILLIS PAR L'ENVOYÉ SPÉCIAL DU POINT À JÉRUSALEM, ARMIN AREFI
Le rendez-vous est fixé à 14 heures, au deuxième étage d'un immeuble d'apparence banale, dans un quartier excentré du cœur de la ville sainte. Au second étage, un long couloir sombre conduit à une portée blindée. Des caméras fixent le visiteur. Le coffre-fort s'ouvre enfin et donne accès à un sas de sécurité, tout de blanc immaculé. Cela n'est pas le siège de la Banque centrale israélienne, mais celui de l'organisation B'Tselem (« à l'image de » en hébreu), qui documente depuis 1989 les violations du droit international en territoire palestinien. Accrochée au mur, une carte de la Cisjordanie illustrant le nombre impressionnant de colonies israéliennes construites depuis la guerre des Six Jours, en 1967, et rendant, jour après jour, impossible la création d'un État palestinien viable.
Tee-shirt rouge à manches courtes et blue-jean, un jeune homme accueille le visiteur et le conduit dans son bureau, où trône le portrait d'une femme palestinienne voilée de 50 ans, soit l'âge de l'occupation israélienne. Hagai El-Ad est le directeur de B'Tselem. « Traître » pour certains ministres israéliens, héros pour les défenseurs des droits de l'homme, ce Juif israélien poursuit envers et contre tout son travail, qu'il juge indispensable, pour le bien des Palestiniens mais aussi pour celui des Israéliens. Rencontre.
Le Point : La colonisation en territoire palestinien s'est-elle accélérée depuis l'élection de Donald Trump ?
Hagai El-Ad : Notre position est que nous avons besoin de revenir aux faits. Et ceux-ci nous montrent que les colonies n'ont pas attendu l'élection de Donald Trump. Elles n'ont même pas attendu Barack Obama. Elles sont présentes, sur le terrain, depuis un demi-siècle. Elles ont été construites par tous les gouvernements israéliens consécutifs depuis 1967, qu'ils soient de gauche, de droite ou du centre. Seule exception, le second mandat de Yitzhak Rabin, avant qu'il ne soit assassiné. Les colonies sont donc un phénomène plus large qui dépasse Donald Trump ou Benjamin Netanyahu. Maintenant, il est vrai que le rythme (de construction) a pu changer en fonction des différentes administrations américaines et des gouvernements israéliens. Mais il ne s'agit que d'oscillations d'un même processus : plus de colonies pour les Israéliens et plus de déplacements et de démolitions pour les Palestiniens.