Comme 50 autres collectivités locales françaises, Vénissieux exige la libération du franco-palestinien Salah Hamouri, emprisonné sans jugement depuis août 2017. Alors que sa détention vient d’être prolongée, où en est la mobilisation ? Le point avec son épouse, Elsa Lefort, qui anime son comité de soutien.
Pourquoi votre mari, Salah Hamouri, est-il détenu en Israël ? De quoi est-il accusé ?
Elsa Lefort : Salah est détenu sans charge, sans avoir droit à un procès équitable. Le régime de la détention administrative permet à Israël d’incarcérer sans motif les Palestiniens, pour des durées variables renouvelables indéfiniment. Plus de 450 prisonniers sont actuellement retenus sous ce statut. C’est un moyen de répression politique pour tenter d’étouffer les voix qui s’élèvent contre l’occupation. Au total, il y a 6.119 prisonniers politiques palestiniens.
Pourquoi sa détention a-elle été renouvelée le 24 février ?
Elsa Lefort : Les autorités israéliennes n’ont rien besoin de justifier. Imaginez ce que ressentent ces détenus et leurs familles. On pense que la liberté est proche et puis l’arbitraire s’abat une nouvelle fois sur vous, d’une simple signature sur ordre du ministre de la Défense. Ça maintient les détenus et leurs proches dans une insécurité totale, c’est une torture psychologique.
Salah est Franco-Palestinien. Que fait la diplomatie française pour faire libérer l’un de ses ressortissants détenu sans jugement ?
Elsa Lefort : En fait, légalement, Salah n’est « que » Français ! Il est né à Jérusalem-Est, mais depuis l’annexion par Israël, les Palestiniens qui y vivent n’ont pas de nationalité, ni palestinienne ni israélienne, juste une carte de résident. Bien qu’indéniablement Palestinien, Salah est légalement Français. Pourtant, la diplomatie française a mis plus de deux mois pour réagir publiquement à sa détention. Le Quai d’Orsay a alors timidement dit « espérer » sa libération. Interpellées par de nombreux citoyens, élus, associations, syndicats et partis politiques, les autorités ont un peu modifié leur langage et, le 10 décembre, Emmanuel Macron aurait demandé sa libération à Benyamin Netanyahu lorsqu’il l’a reçu à Paris.
Pour quel résultat ?
Elsa Lefort : La première réaction des autorités israéliennes a été un transfert punitif de Salah dans une prison de haute sécurité ! Puis, il y a quelques jours, le renouvellement de sa peine. Non seulement l’État français ne lui a pas permis d’être libéré pendant ses 6 premiers mois de détention, mais il n’a pas non plus obtenu qu’il soit libéré au terme de la peine. C’est un échec cuisant pour la diplomatie française qui n’a visiblement pas mis en œuvre les moyens à la hauteur de l’enjeu.
Pourquoi est-ce le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman*, qui a décidé de la prolongation de la détention administrative ?
Elsa Lefort : Quelques jours avant la décision de Lieberman, le Procureur et le Shin Bet (les services de renseignements israéliens) s’étaient également prononcés pour le renouvellement de la détention de Salah. C’est ensuite le Ministre qui a le dernier mot et signe. Ça montre comment, en Israël, les pouvoirs sont totalement liés et surtout que cette détention est bel et bien politique.
Que va-t-il se passer maintenant pour Salah ?
Elsa Lefort : Il a été présenté devant le tribunal le 1er mars. Cette audience non plus ne lui a pas donné l’occasion de se défendre, puisqu’il n’a pas accès à son dossier. Elle devait juste acter la décision d’Avidgor Liberman. Désormais, Salah boycotte les audiences. Il dit : « je ne veux ni avocat ni représentation légale, car la détention administrative est une pratique illégale qui me prive de liberté. Il n’y a aucune charge contre moi, et mon incarcération repose sur un dossier secret contrôlé uniquement par les services de renseignements. Je ne veux pas participer à cette procédure, dans ce lieu où la justice est la grande absente ».
Comment la mobilisation peut-elle se poursuivre ?
Elsa Lefort : Nous invitons tout le monde, citoyens, élus, associations, syndicats et partis politiques, à interpeller Emmanuel Macron, aussi bien sur les réseaux sociaux, qu’en écrivant à l’Élysée. Nous souffrons du silence des médias mainstream. Il faut donc aussi continuer à les interpeler. Les citoyens peuvent aussi demander à leurs élus locaux de prendre position et et d’interpeller le gouvernement. Le président de la République doit défendre Salah comme n’importe quel citoyen français incarcéré arbitrairement à l’étranger. L’État a une responsabilité envers tous les citoyens français. Y compris lorsqu’ils sont incarcérés par Israël. Y compris lorsqu’ils s’appellent Salah.
* En février 2003, alors ministre des Transports, il avait suggéré que les prisonniers palestiniens soient « transportés en autocar vers la mer Morte, pour y être noyés ».