Jean-Yves Le Drian n'aurait-il rien oublié lors de sa visite en Israël ?


Diplomatie 

France-Israël: «Nos combats sont les mêmes», assure Le Drian à Netanyahou

Le chef de la diplomatie française s’est rendu cette semaine en Israël pour parler de l’Iran, dans l’attente des décisions de Trump sur l’accord nucléaire


Jean-Yves Le Drian à Jérusalem, lundi © Sipa Press
Jean-Yves Le Drian à Jérusalem, lundi © Sipa Press

 

Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a effectué un premier déplacement officiel en Israël et en Palestine, en début de semaine, au cours duquel il a notamment rencontré Benyamin Netanyahou à Jérusalem et Mahmoud Abbas à Ramallah. Le Premier ministre Edouard Philippe s’y rendra à son tour fin mai et le président Emmanuel Macron à l’automne.

 

Envoyé spécial à Jérusalem et Ramallah

 

Attendre. Attendre que les Etats-Unis « clarifient » leurs positions sur deux dossiers stratégiques : l’accord nucléaire avec l’Iran et le plan de paix entre Israéliens et Palestiniens, promis par Donald Trump. Et, en attendant les signaux de la Maison Blanche, « parler avec tout le monde » pour « vérifier qu’il n’y a pas de malentendu » en rappelant les positions de Paris. Voilà la diplomatie française telle qu’elle se présentait au cours de la visite que Jean-Yves Le Drian a effectué à Jérusalem et à Ramallah, en début de semaine.

 

Le contexte est peu propice aux percées diplomatiques et aux initiatives ambitieuses, tout le monde étant calé sur l’agenda américain : Trump va décider et les autres, dont la France, réagiront. Sur l’Iran, les choses devraient aller vite, au plus tard le 12 mai, puisque la législation américaine l’impose. Sur le plan de paix en revanche, nul ne le sait, même si les observateurs font remarquer que, le 14 mai, Israël célébrera le 70e anniversaire de son indépendance.

 

Pour le ministre des Affaires étrangères, c’était le premier déplacement ministériel en Israël et en Palestine. Lorsqu’il était à la Défense, deux voyages prévus avaient été annulés, à cause d’une rocambolesque histoire d’escroquerie. Durant plusieurs années, un Franco-israélien, Gilbert Chikli, est en effet parvenu à extorquer plusieurs millions d’euros à des hommes d’affaires ou responsables politiques, français ou étrangers, en se faisant passer au téléphone pour… Jean-Yves Le Drian ! Devant le refus d’Israël d’extrader l’un de ses ressortissants, le ministre français avait alors ajourné tout déplacement. Finalement extradé d’Ukraine, l’escroc dort désormais dans une prison française et Jean-Yves Le Drian a donc fait le voyage de Jérusalem…

 

Trafic d’armes. Mais les faits divers semblent le poursuivre sans relâche. Quelques jours avant l’arrivée du ministre, un jeune employé français du consulat général, Romain Franck, a été inculpé par la justice israélienne pour trafic d’armes entre Gaza et la Cisjordanie. Soucieux de préserver de bonnes relations avec la France, les autorités israéliennes ont choisi de faire profil bas sur ce dossier. Enfin, au moment même au Jean-Yves Le Drian visitait Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem, les enquêteurs français confirmaient le caractère antisémite de l’assassinat de Mireille Knoll, rescapée du Vel d’Hiv. Heureusement, l’agenda judiciaire israélien, avec les affaires de corruption autour du Premier ministre « Bibi » Netanyahou, n’est pas venu bouleverser l’agenda de la visite, comme le redoutaient jusqu’au dernier moment les organisateurs.

 

Tout cela aurait pu plomber l’ambiance, mais « Netanyahou a été très amical », confie-t-on dans l’entourage du ministre français. Juste avant leur rencontre, Le Drian n’avait pas manqué d’exalter la « profonde amitié » entre les deux pays : « Nos combats sont les mêmes : le terrorisme, l’antisémitisme et la sécurité de la région». Et pas un mot, à cet instant public, sur les Palestiniens. « On vient conforter un pays ami dans un contexte régional difficile. La sécurité d’Israël est importante pour nous », confie un proche du dossier, qui insiste sur la bonne image de Jean-Yves Le Drian auprès des Israéliens : « C’est l’homme qui déployé l’armée pour protéger les institutions juives après les attentats et qui a fait la guerre du Mali contre les islamistes ».

 

Ce déplacement en préparait d’autres : fin mai, celui du Premier ministre Edouard Philippe, puis à l’automne, sans doute en octobre, celui d’Emmanuel Macron. De leur côté, Benyamin Netanyahou et le président de l’Etat hébreu, Reuven Rivlin, se rendront en visite officielle en France à l’occasion de la « Saison France-Israël », une série de manifestations au second semestre.

 

Désaccords sur l’Iran. L’essentiel de la visite de Jean-Yves Le Drian s’est toutefois déroulé à l’ombre du dossier iranien. Contrairement à Israël, la France entend en effet préserver l’accord de 2015 sur le nucléaire entre l’Iran et la communauté internationale, que Donald Trump envisage de dénoncer d’ici au 12 mai. C’est un point de désaccord majeur entre les deux pays. Mais sur le reste, les analyses convergent : « Nous avons une préoccupation commune avec Israël sur le programme de missiles balistiques et les tentations hégémoniques de l’Iran dans la région », explique-t-on au Quai d’Orsay, où l’on évoque « une analyse très proche ».

 

Certes, les Français pointent la « très très grande agressivité potentielle » d’Israël sur le sujet. Le Premier ministre israélien a réitéré ses menaces : toute tentative d’implantation de bases militaires iraniennes en Syrie fera l’objet d’attaques de la part d’Israël. L’Etat juif accuse également l’Iran d’« armer Gaza » et estime que les Casques bleus de la Finul – dont les Français – « ne patrouillent pas assez » au Sud-Liban, un fief du Hezbollah face à Israël.

 

Côté Français, l’agacement, voire l’hostilité vis-à-vis de l’Iran est palpable. Début mars, la visite de Jean-Yves Le Drian à Téhéran n’a pas été particulièrement chaleureuse. Ici, l’on dénonce « l’incroyable arrogance du général Suleimani », à la tête des forces spéciales des Gardiens de la Révolution. Là, on s’en prend à un discours du conseiller diplomatique du Guide suprême Ali Akbar Velayati sur les succès de l’Iran en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen. Une musique douce aux oreilles israéliennes, comme à celles des Saoudiens ou des Emiriens.

 

Amis sunnites. Sur le dossier israélo-palestinien, la France d’Emmanuel Macron fait plutôt profil bas. Elle est dans l’attente du « plan de paix » concocté en secret par le gendre de Trump, Jared Kushner. « Les Américains sont des alliés, on va regarder ce qu’ils proposent avec bienveillance », explique-t-on dans les milieux diplomatiques. A la Mouqata, siège de l’Autorité palestinienne à Ramallah, Jean-Yves Le Drian a rappelé la position traditionnelle de la France : « La solution des deux Etats est la seule possible et l’unique chemin est la négociation, avec l’appui de la communauté internationale ».

 

Les Palestiniens sont plus inquiets. Récemment, le président Abbas a traité l’ambassadeur américain en Israël, David Friedmann (qui participe à la rédaction du « plan de paix » avec Jared Kushner) de « fils de chien », souhaitant que « sa maison s’écroule sa tête ». On en est là… L’autorité palestinienne prépare une initiative, avec la Ligue arabe, la conférence islamique et les non-alignés. « Nous sommes prêts à soutenir toute initiative », a assuré Jean-Yves Le Drian à la Mouqata. Surtout si les amis sunnites de la France (Egypte, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis) en approuvent l’idée.


Certes, il faudrait en savoir un peu plus sur les échanges entre le représentant de la diplomatie française et ses homologues israéliens... Mais bon, avec ce seul compte rendu, on est en droit de poser la question : Lors de sa visite en Israël, Jean-Yves Le Drian n'aurait-il pas oublié de réclamer la libération de notre compatriote SALAH HAMOURI ?